L'issue du référendum du lundi 26 mars ne faisait guère de doute : en Egypte, tous les scrutins sont systématiquement remportés par le pouvoir. Selon les résultats officiels annoncés mardi, 75,9 % des votants se sont prononcés en faveur de la réforme controversée, qui portait sur 34 amendements à la Constitution.

La principale victoire de l'opposition, qui avait appelé au boycott, réside dans la faiblesse du taux de participation. Le ministre de la justice, Mamdouh El-Marei, a avancé, dans un discours à la télévision égyptienne, le chiffre de 27,1 %, tandis que plusieurs organisations non gouvernementales, comme l'Organisation égyptienne des droits de l'homme, l'estimaient à 5 %. La confrérie islamiste des Frères musulmans (opposition) l'a, pour sa part, évalué à 9 %. Le président Moubarak, lui, s'est montré très satisfait du résultat et a déclaré, lors d'une adresse télévisée à la nation environ une heure après l'annonce des chiffres, que "le peuple est le vrai vainqueur de ce référendum". Mais pour l'opposition unie, qui a boycotté le référendum, comme pour des ONG des droits de l'homme et les Etats-Unis – dont l'Egypte est l'alliée –, cette réforme et le scrutin, convoqué à la hâte, constituent des revers pour la démocratie.

"BOURRAGE DES URNES"

L'organisation professionnelle des juges a ainsi dénoncé des résultats entachés de fraude. "Les juges se lavent les mains des résultats du référendum", a déclaré Ahmed Sabr, porte-parole du Club des juges. Un des amendements controversés met fin à la supervision des élections par les juges, qui avaient déjà dénoncé les résultats des scrutins de 2005. Selon M. Sabr, ces derniers ont été empêchés de faire leur travail dès lundi, la tâche étant rendue impossible par le grand nombre de bureaux de vote à surveiller et l'ingérence des autorités qui ont "publié des instructions interdisant aux juges de se déplacer".

Des associations de la société civile contrôlant le scrutin ont aussi noté des irrégularités et affirmé que dans plusieurs cas, leurs observateurs n'avaient pas été autorisés à entrer dans les bureaux. "Une fraude flagrante a marqué les dernières heures du référendum", indique ainsi le centre Hicham Moubarak pour les droits de l'homme, relevant trois phases dans le vote : d'abord une très faible affluence, puis l'acheminement en bus par le parti au pouvoir d'électeurs et enfin le "bourrage des urnes".

Les Frères musulmans, interdits mais tolérés et contrôlant un cinquième des sièges du Parlement, sont visés par un amendement qui interdit la création d'un parti sur une base religieuse. Certains amendements permettent aux autorités d'arrêter des suspects et de fouiller leur domicile sans mandat de perquisition. Le président pourra aussi soustraire à la justice ordinaire les personnes soupçonnées de terrorisme et les déférer devant des tribunaux militaires et d'exception.